C. ETALONNAGE

Résumé  Un radiomètre doit être étalonné pour connaître la relation entre la température de brillance qu'il reçoit et le niveau de sortie qu'il fournit. Les sources de référence sont généralement des absorbants (corps noirs). La qualité de l'étalonnage est une composante importante de la précision des mesures. On peut, en fait, définir plusieurs "précisions" : sensibilité radiométrique, précisions relatives, précision absolue.

 

 

 

 

 

1. PRINCIPE

Nous avons rapidement évoqué la question de l'étalonnage (en anglais, calibration)[1] au chapitre A. En voici le principe détaillé. Pour les notations, se reporter à la figure III.A.-(3).

 

Juste avant le détecteur, la puissance à la sortie des amplificateurs FI s'écrit, lorsque le récepteur est connecté à l'antenne :

 

 

                          PFI  =  k G B (TA + TR)                                                   (1)

 

G : gain de toute la chaîne de réception avant détection

B : largeur de bande équivalente des amplificateurs FI.

 

 

La tension de sortie d'un détecteur quadratique est proportionnelle au carré de la tension à l'entrée, donc proportionnelle à PFI. En résumé, le niveau de sortie du récepteur Vs et la température d'entrée Te sont reliés de façon linéaire :

 

 

                          Vs  =  G ( Te + TR)                                                         (2)

 

G : "gain" de toute la chaîne de réception, incluant la bande B, le gain FI G, l'affaiblissement de conversion du mélangeur, la constante de Boltzmann k, etc.

 

 

En pratique, cette linéarité dépend de tous les éléments intervenant dans la chaîne de ré­ception. Elle n'est garantie que si les amplificateurs sont utilisés bien au-dessous de leur point de compression, et si le détecteur fonctionne dans la plage correcte de niveaux d'entrée. Nous supposerons dans la suite que cette linéarité est assurée.

Dans un récepteur réel, la dynamique (la gamme des niveaux) de sortie est limitée en in­troduisant une compensation (en anglais, offset) –VC : Vs' = VsVC. C'est particulièrement utile si TR est très supérieur à Te. Les raisonnements qui suivent ne sont pas modifiés par cet éventuel ajustement.

Le gain G  et la température TR ne sont pas connus, ou seulement très grossièrement. L'étalonnage règle la question. Pour cela l'entrée du récepteur est successivement connectée à deux sources de référence, chaude et froide, de températures équivalentes de corps noir Tc et Tf . Les niveaux de sortie correspondants sont :

 

 

                          Vc  =  G (Tc + TR)

 

                          Vf  =  G (Tf + TR)                                                           (3)

 

 

Lorsque le récepteur observe la source à mesurer via l'antenne, on a :

 

 

                          VA  =  G (TA + TR)                                                          (4)

 

 

(3) permet de résoudre (4) (c'est le but de l'étalonnage) :

 

 

                                                  \s\up12((5))

 

 

En fait, l'étalonnage a permis de tracer la droite d'étalonnage Vs = f(Te) (figure 1).

 

 

Figure 1 : droite d'étalonnage.

 

Pour accroître la précision, on fait en sorte de choisir des températures Tf et Tc assez éloignées l'une de l'autre et encadrant la gamme des températures TA à mesurer.

Il importe de prendre en compte dans l'étalonnage le maximum de choses, si l'on peut dire. L'idéal est de présenter les charges chaude et froide devant l'antenne. Mais les dimen­sions de celle-ci sont souvent prohibitives. Il faut alors se contenter d'une commutation à l'entrée du récepteur, comme sur la figure III.A.-(3). Ce faisant, l'antenne et le début de la ligne de liaison ne sont pas pris en compte dans G et TR. Ce que nous avons appelé TA est alors la température fournie au récepteur. Pour remonter à la température de brillance de la source observée, il faudra tenir compte de l'atténuation apportée par la liaison, par l'antenne (efficacité de rayonnement), et de l'influence des lobes secondaires de l'antenne. Ce dernier point impose de connaître précisément l'environnement de l'appareil.

L'étalonnage est bien souvent un gros problème dans la conception et l'utilisation d'un radiomètre.

 

 

 

 

 

2. SOURCES DE REFERENCE

Nous décrirons surtout les sources de type quasi optique employées dans les domaines millimétrique et submillimétrique. A basse fréquence, on utilise souvent des charges adaptées en guide coaxial ou rectangulaire.

Parlons d'abord des absorbants industriels.

Pour disposer d'une température équivalente de bruit connue T, la source la plus naturelle est le corps noir à la température (physique) T. Qui dit corps noir dit absorption totale des rayonnements électromagnétiques incidents (du moins sur la gamme de fréquences souhaitée), et réciproquement. L'industrie fournit divers types d'absorbants. Passons sur ceux qui sont résonants, d'épaisseur un quart de longueur d'onde, et qui fonctionnent donc sur une bande de fréquences étroite. Passons aussi sur ceux qui ont une perméabilité magnétique relative mr égale à leur permittivité relative er[2] ; l'impédance du matériau est alors égale à celle de l'air, d'où adaptation : Z = (m/e)1/2 = (m0/e0)1/2 = 377 W. Notons que pour ce dernier type d'absorbant et pour les suivants, l'absorption se fait progressivement au sein du matériau : une onde de pulsation w voit sa puissance réduite suivant le chemin z selon la loi : P(z) = P(0) ea z avec a = 2 Im (k) = 2w Im [(em)1/2] (voir les expressions d'une onde plane de vecteur k, dans III.B.3.b). Nous nous intéressons plutôt à des absorbants d'un troisième type, ceux pré­sentant une impédance à transition douce. Là encore, passons sur les produits constitués de couches planes successives, pour lesquels le facteur de réflexion ne descend pas beaucoup plus bas que –20 dB. Nous en venons aux absorbants que l'on voit tapissant les pa­rois des chambres anéchoïdes. En mousse uréthane et carbone, ils se présentent sous la forme d'une surface hérissée de pics pyramidaux ou d'une surface contournée. Dans la confi­guration py­ramidale, la hauteur des pics et donc la longueur de la transition entre l'air et le matériau ab­sorbant sont égales à plusieurs longueurs d'onde. Le facteur de réflexion R est fa­cilement in­férieur à –40 dB.

Avec R = –40 dB, l'émissivité e est égale à 0,9999. La différence entre la température de bruit fournie par une telle source et sa température physique T est donc inférieure au dixième de kelvin (si T et la température ambiante sont inférieures à 1000 K). C'est heureux car il serait bien difficile de prendre en compte l'environnement vu par la source pour calculer la température de bruit exacte qu'elle délivre au récepteur.

Ce genre d'absorbant fournit donc d'excellentes sources de référence, pourvu que l'on puisse connaître leur température avec une grande précision. Pour cela il est courant d'évider les pics de mousse et de placer dans l'absorbant une ossature métallique épousant ses formes ; ou encore de déposer une couche d'absorbant sur une armature métallique adéquate. Des thermomètres sont disposés un peu partout et permettent de mieux évaluer la température de l'absorbant à sa surface, grâce à la bonne conduction dans le métal. L'inconvénient de ce pro­cédé est que l'épaisseur de l'absorbant est réduite, donc ses performances diminuées car il y a moins d'atténuation pour une onde incidente avant qu'elle se réfléchisse sur le métal.

La source fabriquée à l'origine pour MARSS et pour le British Meteorological Office, vu ses piètres performances, souffre sans doute de ce genre de problème. Signalons, en pas­sant, que cette source se présente sous l'aspect d'une succession de plans inclinés, formant des arêtes et des vallées, et non d'une distribution de pyramides. L'inclinaison des plans les fait apparaître sous l'angle de Brewster (en fait, le pseudo-angle de Brewster [Ohman, 1977]) pour une radiation en incidence normale sur la source. Les performances de celle-ci sont donc bien meilleures pour la polarisation linéaire adéquate.

Goldsmith et al. [1979] ont décrit une source d'étalonnage dont la conception tire éga­lement parti de l'angle de Brewster. Citons aussi les sources de référence de POM 2 [Pagani, 1986], qui sont des cônes dont l'intérieur rainé est tapissé d'absorbant : c'est l'ouverture du cornet qui est exposée au récepteur lors de l'étalonnage. Et, dans le domaine submillimétrique, la cavité décrite par Carli [1974].

Un principe général pour le dessin de ce genre de source est le suivant : un rayonnement incident doit subir plusieurs réflexions (typiquement une dizaine pour la cavité de Carli) avec, en fait, forte absorption à chaque fois, avant de ressortir vers l'espace libre, très atténué. Le facteur de réflexion global de la source, du moins pour un groupe d'angles d'incidence donné, est alors très bas. Son émissivité, pour les directions correspondantes, est donc très proche de l'unité (voir la figure 2, pour le cas d'une source conique, comme celle de POM 2).

 

 

Figure 2 : réflexions multiples dans un cône absorbant.

 

Le diamètre de la source (ou de son ouverture pour la cavité et le cône) doit être, d'après les principes de quasi-optique élémentaire, au moins quatre fois plus grand que le rayon du faisceau qui sera reçu par le récepteur : d'où un diamètre d'une dizaine de centimètres pour MARSS.

 

Les sources que nous venons de décrire peuvent servir de source chaude ou de source froide. Dans ce dernier cas, il faut maintenir la température de la source à (par exemple) 77 K par usage d'azote liquide. Cette solution est encombrante sur un satellite. Il est plus simple de tirer parti de l'absence d'atmosphère pour observer dans toute sa pureté le corps noir originel : le fond du ciel à 2,8 K. La température équivalente "effective" de cette source doit être calculée suivant la remarque appropriée de la sous-section II.A.2.c.

Il y a enfin d'autres sources naturelles qui peuvent fournir une référence sans être pour autant de parfaits corps noirs. La plus simple est la Lune, dont l'émissivité est voisine de 0,95 et dont la température de brillance peut approcher 300 K. Malheureusement, d'après entre autres les observations de Gary et al. [1965] à 90 GHz, Kheim [1983] a conclu que les incer­titudes sur la connaissance absolue de la température de brillance de la Lune étaient supé­rieures à 4 K.

 

 

 

 

 

3. DEFINITION DES DIVERSES PRECISIONS

La précision de la mesure d'une température de brillance est liée par de nombreux points à la qualité de l'étalonnage. A propos de projets radiométriques divers, on entend souvent parler de précision absolue, relative, "inter-canaux", ou de résolution, sensibilité, stabilité, etc., sans savoir exactement de quoi il s'agit. Dans cette section nous donnons notre version des choses : des définitions sont proposées et les calculs associés sont présentés.

 

 

 

3.a. Mise en place

Nous commençons par énumérer les sources d'erreur pour la détermination de la tempé­rature d'antenne TA. La figure 3 reprend la figure 1, en indiquant toutes ces sources et en montrant plus précisément l'exemple de l'influence d'une variation du gain G.

 

Nous trouvons d'abord les sources d'erreur qui apparaissent sur l'évaluation d'une température d'antenne TA après un étalonnage :

– DG : une variation du gain change la pente de la droite d'étalonnage, qu'il faudrait tra­cer de nouveau. Sur la figure 3, la droite (1) est la droite établie à partir du dernier étalon­nage. Après la variation DG, la lecture du niveau reçu VA est traduite en la température d'antenne TA, alors qu'elle devrait l'être en TA' avec la droite (2).

– DTR : variation de la température de bruit du récepteur.

– DVA : erreur sur la mesure ; nous y reviendrons.

 

 

Figure 3 : sources d'erreur pour TA.

 

Il y a ensuite les sources d'erreur dues directement à un étalonnage imparfait :

– DTc et DTf : mauvaise connaissance des températures de bruit des sources chaude et froide.

– DVc et DVf : erreurs traditionnelles ("radiométriques") sur la mesure des niveaux de sortie correspondants.

 

 

 

3.b. Sensibilité (ou résolution) radiométrique

La sensibilité radiométrique est l'écart type des fluctuations "à court terme" de la mesure de TA, lorsque l'antenne regarde une scène donnée. Cette sensibilité reflète l'aptitude de l'instrument à déceler une variation de la température de brillance observée, par exemple lors du balayage d'une ligne de pixels voisins, et dans tous les cas pendant la courte période sépa­rant deux étalonnages successifs.

Pour calculer la sensibilité, il faut donc prendre en compte toutes les sources d'erreur apparaissant entre deux étalonnages : c'est le premier des deux groupes définis plus haut.

 

– Il y a d'abord l'erreur traditionnelle sur la mesure de TA, d'après l'expression I.A.-(7) : TSys / (Bt )1/2, avec TSys = TA + TR.

 

– Calculons maintenant l'influence de DG :

 

 

                          \s\up14((6))

 

 

Ces variations de G incluent les variations de la bande B des amplificateurs FI et de leur gain G (mais pas de la constante de Boltzmann k !). En fait, ce sont surtout les variations de G qui sont importantes, et le DG/G se transforme alors en DG/G.

 

– Enfin, l'erreur sur la température d'antenne, due à la variation de la température de bruit du récepteur, est directement DTR.

 

Si ces trois erreurs sont indépendantes, leur conjugaison en moyenne quadratique donne, pour un radiomètre à puissance totale :

 

 

                              \s\up14((7))

 

 

En toute rigueur, sur la figure 3, DVA est égal à G [TSys / (Bt )1/2]. Mais pour la suite, nous interpréterons DVA comme la variation du niveau de sortie correspondant à la sensibilité radiométrique DT de l'expression (7) : DVA = G DT. Cela revient en fait à refaire la figure 3 sans faire apparaître DG et DTR, dont on tient alors compte dans DVA.

 

Revenons sur les variations de gain des amplificateurs. Quelles en sont les causes ?

Il y a d'abord ce que l'on appelle le bruit en 1/f : l'instabilité essentielle des composants électroniques, d'autant plus grande que la durée considérée est grande. Les analyses et les va­leurs numériques données par Hersman & Poe [1981] montrent que ce genre de fluctuation est généralement trop faible pour influer notablement sur la sensibilité du récepteur.

L'autre source traditionnelle est constituée par les variations de température. Pour un amplificateur FI, la variation de gain est de l'ordre de 0,015 dB par °C et par étage de 10 dB environ — cette valeur typique (donnée par des constructeurs tels que Miteq) pouvant être sensiblement réduite par des circuits de compensation (en température). Connaissant l'évolution temporelle de la température d'un récepteur, il est facile de calculer le rapport DG / G qui intervient dans (7), sachant que la durée à considérer est l'intervalle de temps maximum séparant deux mesures se référant à un même étalonnage, soit (quasiment) la pé­riode de répé­tition de l'étalonnage.

D'après les notes techniques des fabricants d'amplificateurs, la température de bruit d'une puce croît et son gain décroît lorsque sa température croît. Si bien que les deuxième et troisième termes sous la racine de l'expression (7) ne sont pas indépendants mais se compen­sent en partie (du moins si l'on se limite aux amplificateurs en oubliant les autres éléments de la chaîne de réception). De plus, on considère généralement que l'effet des variations de la température de bruit est bien plus faible en valeur absolue que l'effet des variations de gain. La racine de (7) peut donc se réduire à ses deux premiers termes et l'on retrouve alors, pour DT, l'expression classique III.A.-(1).

 

Jusqu'à présent, nous avons toujours supposé que seul le dernier étalonnage était utilisé pour déterminer la température d'antenne. Or il peut être avantageux de faire la moyenne, éventuellement pondérée, de plusieurs étalonnages successifs. Le calcul de la sensibilité est alors plus complexe. Se reporter à Hersman & Poe [1981] puis à Peckham [1989] pour un traitement élaboré de la question. La procédure optimale d'étalonnage (périodicité, nombre d'échantillons successifs à prendre en compte et poids à leur affecter) doit en fait être choisie lorsque l'on connaît bien le spectre de bruit du radiomètre (typiquement un bruit blanc plus un bruit en 1/f), choix établi grâce aux formules des auteurs que nous venons de citer ; le but étant évidemment de minimiser le DT.

 

Enfin, pour en terminer avec la sensibilité radiométrique, signalons que, d'après les formules III.A.-(1) et (2), un radiomètre à puissance totale est toujours plus sensible qu'un radiomètre de Dicke si :

 

 

                                                                           \s\up15((8))

 

 

Cela signifie que l'on peut se permettre, pour un radiomètre à puissance totale, et contrairement à ce qui est souvent cru, de laisser les variations de gain être la source majeure de la valeur de la sensibilité DT. Ce cas de figure peut survenir quand on ne souhaite pas li­miter ou ralentir les variations de température du récepteur, ou quand on ne peut étalonner l'appareil suffisamment souvent. Ces dernières considérations sont certes sans objet si l'on cherche à obtenir la meilleure sensibilité possible.

 

 

 

3.c. Précisions relatives

Reprenons l'expression (5) :

 

 

                                                  \s\up12((5))

 

 

Les erreurs sur la détermination de TA viennent des erreurs sur chacune des cinq va­riables : Tf, Tc, VA, Vf, Vc. La sensibilité radiométrique était directement et uniquement reliée à DVA. La précision absolue prendra en compte les cinq sources d'erreur. La précision relative est une notion un peu bâtarde, à définir dans la zone intermédiaire.

Voici une définition possible : la précision relative[3] est égale à l'erreur moyenne re­lative de la mesure de températures pendant une période à préciser. Cette définition particuliè­rement floue se comprendra mieux sur un exemple concret. Soit le sondeur millimétrique de Météosat de seconde génération relevant par lignes de balayage successives une image de l'Europe, en une demi-heure. Supposons que chaque ligne (d'ouest en est) soit obtenue en 30 s, et que l'on réalise un étalonnage lors de chaque changement de ligne. Alors la période à considérer pour la précision relative est 30 mn. La précision relative, dans ce cas, est une indi­cation de la qualité de l'image obtenue : si l'Europe présentait une température de brillance uniforme, la précision relative serait égale à l'écart type des fluctuations des températures sur toute l'image, les mesures de ces températures étant, pour la plupart, séparées entre elles par plusieurs étalonnages.

Dans ces conditions, les sources d'erreur à prendre en compte sont celles qui ont déjà été retenues pour la sensibilité, ajoutées à celles qui apparaissent d'un étalonnage à l'autre : soit DVA, DVc et DVf. DVc ou DVf est en quelque sorte la traduction, sur le niveau de sortie, de la sensibilité radiométrique de la mesure sur la source chaude ou froide :

 

 

                         

 

                                                                 \s\up19((9))

 

 

tE est le temps d'intégration pour chacune des mesures d'un étalonnage. Si l'on peut disposer du temps nécessaire (par exemple le temps de freiner l'antenne et de la renvoyer dans l'autre sens pour la ligne de balayage suivante), il est bon d'avoir tE >> t, pour que DVc et DVf soient négligeables.

En toute rigueur, il faudrait aussi faire intervenir les erreurs relatives, d'un étalonnage à l'autre, de lecture des températures des sources de référence. Mais ces erreurs sont insigni­fiantes.

Nous supposons d'autre part que les caractéristiques de ces sources de référence sont suffisamment stables, au cours d'une période de 30 mn, pour renvoyer l'introduction de DTc et DTf à la sous-section suivante. De même, l'environnement de l'antenne est présumé rester identique, c'est-à-dire que TATB est censé rester constant pendant au moins ces 30 mn : il ne joue donc pas de rôle pour la précision relative.

 

Quelle est donc l'expression de la précision relative ? Nous voyons deux façons de trai­ter le problème :

 

– Généralement, en matière de mesures physiques, on suppose que la variable aléatoire "erreur" suit une loi de Gauss dont l'écart type est "l'erreur moyenne" : il en est ainsi de la dé­finition de la sensibilité radiométrique. Ici, nous pouvons admettre la même règle pour DVc et DVf, laisser à Tc et à Tf des valeurs constantes, et calculer la loi de la variable aléatoire TA à partir de l'expression (5). Malheureusement, le calcul du moment d'ordre 2 de TA fait appa­raître des intégrales divergentes ; sa variance et son écart type ne sont donc pas définis (ou sont infinis ?). Cela est lié au fait que dans (5), il y a une division par VcVf, variable aléa­toire qui peut s'annuler si l'hypothèse de la loi de Gauss est rigoureusement appliquée.

 

– Plus simplement, écrivons la différentielle de TA, relativement à VA, Vf et Vc :

 

 

                              \s\up17((10))

 

 

Nous osons alors transformer les "d" en "D" et calculer la moyenne quadratique des dif­férentes contributions — qui sont indépendantes —, pour écrire la précision relative DTPR :

 

 

             \s\up13((11))

 

 

Les dérivées partielles sont :

 

 

                         

 

                         

 

                                                               \s\up17((12))

 

 

Avec l'approximation Tc + TRTf + TRTA + TR = TSys, on a DVc = DVf = G DTE (voir les relations (9)) et nous obtenons finalement :

 

 

             \s\up17((13))

 

 

Il est bien évident que DTPR n'est pas l'erreur maximale que l'on peut commettre ; c'est plutôt, à peu près, l'écart type des erreurs commises.

 

Dans certains projets de sondeurs à plusieurs canaux de fréquence, s'affiche le terme précision inter-canaux. Cette notion intervient car certains algorithmes de traitement des données emploient des différences de températures de brillance de deux canaux. Il est alors utile de préciser l'incertitude tolérable sur ces différences.

Cette précision inter-canaux est la différence typique — sur une durée à indiquer — des températures fournies par deux canaux observant une source de même température de brillance pour les fréquences de ces deux canaux. Dans l'exemple précédent (on peut imaginer des cas plus complexes), la précision relative inter-canaux DTPRIC est simplement la racine carrée de la moyenne quadratique des précisions relatives DTPR de deux canaux quelconques ; par exemple :

 

 

                              \s\up5((14))

 

 

On rencontre d'autres définitions et d'autres façons de calculer cette erreur. On entend quelquefois parler de dérive différentielle entre canaux ; ou encore d'erreur d'étalonnage inter-canaux, lorsque l'on met en avant les différences, suivant la fréquence, des caractéristiques de l'étalonnage...

 

 

 

3.d. Précision absolue

La définition est bien plus simple et naturelle : la précision absolue est la différence — moyenne ou maximale — entre la température de brillance mesurée et la température de bril­lance réelle, pour l'ensemble des scènes observées.

Il faut donc enfin faire intervenir toutes les sources d'erreur.

 

Influence de l'étalonnage

Les cinq termes présentés auparavant doivent être pris en compte.

DTc et DTf sont les erreurs absolues sur les températures des sources : différences entre températures de bruit supposées et réellement fournies au récepteur. Pour une source d'étalonnage de type corps noir, les causes de telles erreurs sont :

           Température physique mal connue ou non constante sur toute la surface de l'absorbant ;

           Emissivité différente de 1 ;

           Liaison avec le récepteur (ligne de propagation) mauvaise ou mal connue.

Nous avons déjà parlé des deux premiers points ; rajoutons que la précision absolue d'un thermomètre peut être meilleure que le dixième de degré. Le troisième point est crucial pour certains systèmes. Par exemple, si la source froide est le ciel à 3 K et si elle est reçue par un cornet dont la sortie est commutée vers le récepteur lors de l'étalonnage (solution employée plutôt à basse fréquence), il faut connaître très précisément l'affaiblissement apporté par le cornet et la liaison ainsi que leur température, sous peine de commettre une erreur de plusieurs degrés sur la température froide fournie au récepteur. Il est préférable (et ceci est la solution la plus naturelle pour les hautes fréquences) de renvoyer le fond du ciel vers le récepteur par un miroir dit d'étalonnage, placé dans la partie quasi optique. Dans ce cas il faudra simplement s'assurer que le miroir ne voit que le fond du ciel et pas une partie du satellite ou une puissante source radio.

Toutes ces considérations montrent qu'il est difficile d'évaluer DTc et DTf. Supposons néanmoins le problème résolu. En terme d'erreur moyenne, la précision absolue pour l'étalonnage a pour expression :

 

 

               \s\up12((15))

 

 

                         

 

                                                                     \s\up17((16))

 

 

 

Autres sources d'erreur

DTPAE est une mesure de l'exactitude de l'étalonnage, donc de l'exactitude de la connaissance de TA. Il faut maintenant remonter à la température de brillance de la source, TB. Pour cela, il faut faire intervenir :

           Le diagramme de rayonnement de l'antenne (ce que voient les lobes secon­daires) ;

           Son efficacité de rayonnement (l'affaiblissement qu'elle apporte au signal) ;

           Les affaiblissements apportés par tous les éléments de liaison non étalonnés, par exemple les éventuels éléments quasi optiques avant le miroir d'étalonnage, et leur température.

Les incertitudes sur la connaissance de ces trois points seront traduites en termes d'erreurs de températures et associées à DTPAE pour donner la précision absolue finale DTPA.

En reprenant ces trois points dans l'ordre, on comprend que l'optimisation d'un système radiométrique passe généralement par :

           Une forte efficacité de faisceau (> 95 %) ;

           Une très haute qualité de surface pour le réflecteur principal ;

           Un étalonnage simple, aussi près que possible du réflecteur principal.

Les deux derniers points sont sans objet si l'antenne est simplement un cornet, sans ré­flecteur devant.

 

Il faudrait aussi, à ce niveau, tenir compte d'une éventuelle non-linéarité causée par le détecteur ou par d'autres éléments de la chaîne de réception. Enfin, il reste une question que nous n'avons jamais évoquée : la mauvaise adaptation hyperfréquence entre les divers élé­ments de l'instrument, surtout entre l'entrée du récepteur et l'antenne ou les sources d'étalonnage. Otoshi [1968] a analysé ce problème très en détail. Voir aussi Ulaby et al. [1981] : d'après ces derniers auteurs, un facteur de réflexion aussi bas que –26 dB peut ame­ner une erreur de 1 K dans l'estimation de la température d'antenne. On voit alors tout l'intérêt d'un étalonnage quasi optique : un miroir amovible de renvoi du rayonnement des sources vers le récepteur est bien meilleur qu'une commutation en guide.

 

 

 

3.e. Dernières remarques

Pour garantir une bonne précision absolue, il faut mesurer au sol, avant le départ du sa­tellite, le maximum de choses avec le maximum de précision, en particulier les éléments qui échapperont à l'étalonnage en vol.

Après le lancement, il faut tenter de déceler tout changement de comportement de l'instrument, pour éventuellement le corriger. Le plus simple est de pointer l'antenne périodi­quement (une fois par jour, par mois, par an ? Cela dépend des contraintes de la mission) vers la Lune et le ciel à 3 K, voire sur une balise au sol : il s'agit alors d'un étalonnage "complet", "externe", par opposition à l'étalonnage "interne" qui a été l'objet de tout le chapitre jusqu'à présent. Mais l'observation d'une dérive de la réponse de l'instrument ne donnerait pas pour autant immédiatement la cause de cette dérive et les moyens d'en tenir compte pour maintenir la précision absolue dans les performances voulues ; on ne pourrait pas conclure facilement que le réflecteur principal est moins réfléchissant, ou la source chaude moins noire, ou le mi­roir d'étalonnage endommagé, etc.

Nous pourrions encore parler des corrections apportées aux algorithmes de traitement des informations recueillies par le radiomètre, grâce à de vastes campagnes de comparaison où sont associés des expériences variées de mesure depuis le sol et les résultats fournis par le sa­tellite. Il s'agit toujours d'étalonnage, mais cela nous emmènerait bien loin de l'étalonnage du récepteur au sens strict.

 



[1] "Détermination de la relation entre les indications de l'appareil de mesure et les valeurs du mesurande (grandeur à mesurer).

Le terme calibration ne doit pas être employé pour désigner l'étalonnage.

Cet étalonnage peut être effectué par rapport à une source de référence intérieure ou extérieure au système." [Moreau & Schwartzenberg, 1984].

[2] En particulier, des matériaux de type ferrite, employés jusque vers 1 GHz.

[3] Nous devrions dire : "la limite de précision relative" ou "l'incertitude relative moyenne", "précision" n'ayant en fait qu'une définition qualitative.