B. ABSORPTION GAZEUSE

Résumé  Nous considérons les raies d'oxygène et de vapeur d'eau, dont les caractéristiques sont fournies par la banque de données spectroscopiques GEISA. Sont données les définitions de l'intensité et du facteur de forme d'une raie (la pression étant le responsable majeur de l'élargissement des raies). Parmi toutes les formes propo­sées dans la littérature, celle de Van Vleck & Weisskopf, modifiée pour l'oxygène par les coefficients d'interférence de Rosenkranz, est souvent choisie malgré les étrangetés dont elle fait preuve dans certains cas. La contribution des raies seules ne suffit pas à expliquer l'absorption mesurée. Les explications avancées pour cet excès d'absorption en vapeur d'eau sont variées et insuffisantes. Il faut donc rajouter une correction empirique : là encore plusieurs expressions existent mais aucune n'est entièrement satisfaisante. Tout au long du chapitre, les formulations et corrections employées dans notre programme informatique sont précisées, et les emprunts et différences rela­tifs à "l'univers" de Liebe sont détaillés. Le chapitre se conclut par des tests de sensibilité concernant, entre autres, le nombre de raies prises en compte et l'influence des coefficients d'interférence (apparition d'absorptions négatives !), et par les résultats du calcul des températures de brillance et des fonctions de poids des canaux de Météosat de 2ème génération.

 

 

 

 

 

1. QUELLES MOLECULES ET A QUELLES FREQUENCES ?

1.a. Les constituants de l'atmosphère

Le tableau A [Ulaby et al., 1981] donne la liste des composants de l'air sec au niveau de la mer. La figure 1, citée par Scott [1974 (a)], montre la distribution verticale de ces gaz : la plupart ont une concentration constante par rapport à l'air ambiant. La vapeur d'eau et l'ozone sont les deux gaz importants qui échappent à cette règle. Le tableau II.A.-A donnait d'ailleurs la den­sité de vapeur d'eau à chaque niveau, en gramme de vapeur d'eau par gramme d'air ambiant (densité massique).

 

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Tableau A : composition de l'air sec au niveau de la mer.

 

 

La banque GEISA

La banque GEISA (Gestion et Etude des Informations Spectroscopiques Atmosphé­riques) [Chédin et al., 1980, 1981 et 1985 (b) ; Husson et al., 1982 et 1986] est une proche parente de la banque de l'AFGL (U.S. Air Force Geophysics Laboratory) [Rothman et al., 1983]. Elle rassemble des données sur une quarantaine de molécules (plus isotopes) des at­mosphères planétaires. Elle est continuel­lement enrichie ; actuellement plus de 400 000 raies couvrant les domaines radio et infrarouge sont répertoriées. Pour chacune de ces raies sont précisées la fréquence (plutôt le nombre d'onde), l'intensité, la largeur à mi-hauteur, etc. (voir plus loin).

En fait pour nos applications micro-ondes vont nous intéresser uniquement les raies de O2 et H2O (et peut-être O3) des domaines centimétrique à submillimétrique : ce sont les seules qui interviennent de façon sensible dans le domaine millimétrique.

 

 

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Figure 1 : distribution verticale des constituants atmosphériques.

 

 

 

1.b. Spectroscopie moléculaire

L'absorption ou l'émission de radiation par une molécule correspond à une transition entre deux niveaux d'énergie quantifiés. L'énergie interne totale d'une molécule isolée est la somme de trois types d'énergie : électronique, de vibration et de rotation.

Les transitions électroniques sont associées à un réarrangement des orbites des électrons. Elles sont en cela semblables aux transitions atomiques et se produisent à des lon­gueurs d'onde similaires dans le visible ou l'ultraviolet.

Les transitions de vibration font intervenir l'élasticité des liaisons qui unissent les atomes dans la molécule. Les atomes oscillent les uns par rapport aux autres, et les chan­gements dans l'amplitude de ces oscillations s'accompagnent de l'émission ou de l'absorption de photons, généralement dans l'infrarouge.

Les transitions de rotation consistent en un changement de la vitesse de rotation d'une molécule et sont associées à des photons dans le domaine des micro-ondes ou de l'infrarouge lointain. Voir Herzberg [1950], Townes & Schawlow [1975] ou Gordy & Cook [1984] pour le calcul des fréquences de résonance à partir de modèles de structure des molé­cules.

Dans certains cas, deux ou mêmes trois types de transition peuvent être combinés : on parle par exemple des raies de vibration-rotation.

 

H2O

La molécule H2O a un moment dipolaire électrique, et son spectre micro-onde est issu de transitions de rotation pures. Les plus importantes sont associées à des raies à 22,235 GHz, 183,31 GHz et à d'autres raies plus fortes dans les domaines submillimétrique et infrarouge.

 

O2

La molécule d'oxygène n'a pas de moment dipolaire électrique, mais un moment dipo­laire magnétique provenant des spins combinés des deux électrons célibataires. Les change­ments dans l'orientation du spin électronique, par rapport à l'orientation de la rotation molé­culaire, produisent une famille de raies de "rotation de spin" entre 50 et 70 GHz et une raie isolée à 118,75 GHz (voir Rosenkranz [1989] pour beaucoup plus de détails). D'autre part, des transitions entre différents états de rotation donnent naissance à des raies au-delà de 368 GHz. Un continuum (absorption non résonnante), produit par réorientation de la molécule, s'ajoute au spectre résonnant ; il n'est sensible que pour des fréquences inférieures à 10 GHz.

 

 

 

 

 

2. MODELES DE RAIE

2.a. Définitions et unités

Nous allons présenter les différentes grandeurs intervenant dans le calcul du coefficient d'absorption a. Ce dernier peut s'écrire comme le produit de la densité r du milieu et d'un coefficient K :

 

 

                          a  =  K r                                                                       (1)

 

 

Si r a pour unité le rapport d'une masse par un volume (plutôt que du nombre de molé­cules par un volume, par exemple), K est appelé coefficient d'absorption massique [Ulaby et al., 1981] ou coefficient d'absorption [Kraus, 1986 ; Fleagle & Businger, 1980] ou encore mass absorption cross section [Liou, 1980].

Dans le coefficient d'absorption total a interviennent toutes les absorptions associées à diverses transitions. A quelques réserves près que nous verrons plus loin (continuum), a est la somme de tous les coefficients d'absorption correspondants :

 

 

                                                                                               (2)                  [Note :  = Σ]

 

 

Les ri sont les densités (unité restant à définir) des constituants de l'atmosphère qui su­bissent les transitions ; comme chaque constituant peut avoir plusieurs transitions, les ri ne sont pas tous différents. Chaque ki est relatif à un corps et à une transition de ce corps ; nous l'appelleront encore coefficient d'absorption, bien qu'il mérite peut-être l'adjectif massique.

L'intensité S d'une raie est (généralement) définie comme le résultat de l'intégration du coefficient d'absorption sur toutes les fréquences :

 

 

                                                                                             (3)                  [Note :  = ∞]

 

 

Le facteur de forme de la raie est :

 

 

                          f (n) = k(n) / S                                                                (4)

 

 

De (3) et (4) on tire :

 

 

                                                                                                (5)                  [Note :  = ∞]

 

 

Enfin le chemin optique u est le produit de la concentration ou densité d'un constituant par la distance parcourue z (différence d'altitude multipliée éventuellement par la sécante de l'angle de sondage) :

 

 

                          u = r z                                                                            (6)

 

 

Récapitulons : l'épaisseur optique t, due à une seule transition, d'une couche d'épaisseur z, s'écrit :

 

 

                          t  =  a z  =  k r z  =  k u  =  S f r z                               (7)

 

 

Du choix de l'unité de r vont dépendre les unités de k, S, u, ... (ou inversement). Les systèmes employés sont nombreux [Scott, 1974 (a), table I-3.3]. Dans GEISA, la fréquence ou plutôt le nombre d'onde des raies est en cm–1, et l'unité des intensités est le cm par molé­cule. f et z auront le cm pour unité. r sera donc exprimé en molécules par cm3. D'autres uni­tés cou­ramment employées pour r sont le gramme par gramme d'air ambiant (dans les profils fournis par le LMD par exemple : voir tableau II.A.-A) ou la mole par mole d'air. Les rela­tions entre les r sont les suivantes (on assimile encore l'air à un gaz parfait) :

 

 

                                                                         (8)

 

                                                                                          (9)

 

N : nombre d'Avogadro = 6,022.1023 mol–1

R : constante des gaz parfaits = 8,3144 J/K/mol

P : pression moyenne de la couche, hPa

T : température moyenne de la couche, K

M : masse molaire du corps considéré, g.

 

 

En utilisant la relation II.A.-(29), DP étant la différence de pression entre les niveaux bas et haut de la couche, le chemin optique est alors, en molécules par cm2 :

 

 

                                                                                        (10)

 

 

 

Nous allons maintenant nous intéresser aux diverses expressions de l'intensité puis de la forme d'une raie. Notons que, ces deux grandeurs intervenant toujours par leur produit, la sé­paration, dans la littérature, des facteurs de ce produit entre S et f est quelquefois floue. Même r rentre quelquefois dans la définition de la force de raie S [Ulaby et al, 1981, p. 267].

 

 

 

2.b. Intensité

Parmi les expressions théoriques présentes dans la littérature, citons celle choisie par Scott [1974 (a)] :

 

 

                                                                (11)

 

wr : nombre d'onde central de la résonance, cm–1

c : vitesse de la lumière, cm/s

E0 : énergie du niveau de base de la transition, cm–1 dans GEISA

Q : fonction de partition [Gordy & Cook, 1984]

A : facteur indépendant de la température

 

 

Le facteur A inclut la force de transition ½m2 ½i et le facteur  8p3.10–36 / 3hc  [Clough et al., 1981].

GEISA donne l'intensité S à la température de référence T0 = 296 K. Dans l'expression de l'intensité à une température quelconque T intervient alors le rapport Q(T0)/Q(T). Sous certaines hypothèses simplificatrices ce rapport vaut (T0/T)n, n étant égal à 1,5 pour l'eau et 1 pour l'oxygène [Rosenkranz, 1989 (ou d'autres auteurs bien avant lui)].

Signalons enfin que les valeurs d'intensité de raies, mesurées dans différents labora­toires, ont quelquefois varié du simple au double pour certains corps comme CH4 ! Généra­lement l'incertitude sur l'intensité est de l'ordre de quelques pour cent, alors que l'incertitude sur la fréquence est toujours inférieure au MHz, dans la gamme de fréquences qui nous inté­resse [Rosenkranz, 1989].

 

 

 

2.c. Facteur de forme

Une raie spectrale n'est jamais parfaitement monochromatique (figure 2). Les causes de son élargissement sont les suivantes.

 

Figure 2 : demi-largeur à mi-hauteur.

 

 

– Le principe d'incertitude d'Heisenberg, qui définit la largeur dite naturelle de la raie. Pour les micro-ondes, cet effet est complètement négligeable devant les deux suivants.

 

– L'effet Doppler, résultant de la différence dans les vitesses des molécules. La théorie cinétique des gaz prévoit que la distribution des composantes des vi­tesses le long d'une di­rection fixée suit une loi de Gauss. Les raies ainsi élargies ont un facteur de forme Doppler (gaussien). m étant la masse d'une molécule et nr la fréquence de la transition, la demi-largeur à mi-hauteur de la raie est (toutes grandeurs U.S.I.) :

 

                                                                                   (12)

 

 

– Les perturbations dues aux collisions entre les molécules. Le principal effet d'une collision est de détruire la cohérence de phase du train d'onde qui était émis ; après la colli­sion, la molécule émet avec une autre phase [Liou, 1980]. La forme de raie résultante a un profil de Lorentz ; sa largeur est proportionnelle à la pression.

 

Pour les micro-ondes, l'effet essentiel est celui des collisions tant que l'altitude reste in­férieure à 60 km [Liebe, 1989]. Au-delà, il faudrait prendre en compte l'effet Doppler et adopter dans les modèles une forme de raie qui est la convolution des profils Doppler et Lorentz, dite profil de Voigt. En fait dans notre modèle nous conservons pour toutes les couches la même forme de raie sans passer par un profil Voigt ou Doppler : l'approximation est justifiée même à 60 km [Prigent-Benoit, 1988, pp. 49-50].

La banque GEISA fournit, pour la pression de référence P0 = 1013,15 hPa, les demi-largeurs de collision g 0, en cm–1. Dans STRANSAC, l'expression de la demi-largeur g , que nous avons reprise dans notre modèle, est :

 

 

                                                                                   (13)

 

 

s dépend du type de force intermoléculaire impliqué et est souvent compris entre 0,7 et 1 [Waters, 1976]. Liebe [1989] prend 0,8 pour les raies de O2 jusqu'à 118 GHz, 0,2 au-delà, et entre 0,6 et 0,7 suivant les raies, pour H2O. STRANSAC et nous avons pris s = 0,8. e (notation STRANSAC : CROH2O) représente une correction inspirée de celle proposée par Liebe [1985] et vaut, pour les raies de O2, 1,77 fois la concentration de vapeur d'eau expri­mée en gramme par gramme, et 7,7 fois cette même concentration pour les raies de H2O. Liebe a modifié ces valeurs dans ses articles postérieurs.

Notons que l'incertitude sur la connaissance d'une largeur de collision est de l'ordre de 1 à 20 % [Rosenkranz, 1989].

Une autre question est celle de l'effet Zeeman : une raie d'oxygène est divisée en sous-raies par interaction entre le champ magnétique terrestre et le moment magnétique moléculaire. Cet effet est sensible à haute altitude et pour des fréquences très proches du centre de la raie initiale : il est négligeable à plus de 6 MHz de la fréquence centrale [Rosenkranz, 1989], ce qui sera toujours le cas pour nos applications.

 

Beaucoup de formes de raies, proches d'un profil de Lorentz mais fondées sur diffé­rents modèles de la nature des collisions entre molécules, ont été proposées ; en général la théorie suppose les collisions instantanées (impact approximation, décrite par exemple par Clough et al. [1980]). La forme due à Van Vleck & Weisskopf [1945] est :

 

 

 

                                     (14)

 

 

 

(14) est l'expression que citent Waters [1976] et Ulaby et al. [1981] ; mais Burch & Gryvnak [1980] et Hill [1986] citent cette "même" expression en  élevant au carré le rapport  n / nr. Rosenkranz [1989] cite l'expression de Van Vleck & Weisskopf modifiée par l'introduction de coefficients d'interférence (voir plus loin), avec aussi le rapport précédent au carré. Quant à Liebe [1985 et 1989], il reprend la forme donnée par Rosenkranz, mais sans le facteur 1/p, qui est probablement compris dans celui de ses coefficients représentant l'intensité. Enfin Hill [1987] reprend la forme donnée par Rosenkranz, avec le carré et sans le 1/p... Ces différences sont importantes ; Hill [1986] remarque que le coefficient d'absorption ne tend pas vers 0 quand la fréquence tend vers l'infini : or il n'y a pas ce problème si le rap­port n / nr  n'est pas mis au carré. En fait, les différences viennent surtout du fait que certains préfèrent parler en termes de propagation et introduisent donc un facteur 4pn/c ; si l'on re­garde le coefficient d'atténuation global donné par ces différents auteurs, on retrouve partout — sauf chez Clough et al. [1981], plutôt tournés vers l'infrarouge — le facteur n 2 au numé­rateur et donc le comportement non physique de l'expression théorique lorsque la fréquence tend vers l'infini. Il est vrai que ces modèles visent à décrire ce qui se passe près du centre de la raie et non à l'infini.

Après ces digressions alambiquées, revenons à des considérations plus générales. L'article de Hill [1987], par ailleurs très clair et complet, cite beaucoup d'autres théories et formes de raie associées : Gordon, Lam, Smith, Gross, full Lorentz. Au centre des raies, les différences entre les formes sont petites, sauf pour la raie de l'eau à 22 GHz pour laquelle seule la forme Van Vleck & Weisskopf est en accord avec les mesures [Hill, 1986]. Pour les fréquences plus hautes, Hill préfère Rosenkranz pour la bande d'absorption de l'oxygène vers 60 GHz, et Gordon ailleurs. En fait, aucune forme ne prévoit correctement l'atténuation dans les ailes des raies. Les différences entre les atténuations prédites et observées sont rattrapées par une correction empirique dont il est question dans la section suivante. Pour la vapeur d'eau à 183 GHz, voir aussi les comparaisons expérimentales de Bauer et al. [1986] entre dif­férentes formes de raies.

 

Depuis plusieurs années, H. J. Liebe a développé des modèles d'atténuation et de dis­persion pour l'atmosphère incluant éventuellement nuages, brouillard, neige, glace, etc. Il n'est pas question du calcul de températures de brillance. La plupart des formules de calcul qu'il propose sont empiriques ou semi-empiriques. Les coefficients associés, et quelquefois même la structure des expressions, changent profondément à chaque nouvel article [1980, 1981, 1985 et 1989]. Dans sa dernière version [1989], Liebe considère 30 raies H2O et 44 raies O2, toutes au-dessous de 1000 GHz. Aux contributions résonnantes il ajoute une correc­tion empirique.

La forme de raie qu'il a choisie est issue de la fonction de Van Vleck & Weisskopf, mo­difiée par Rosenkranz [1975] pour prendre en compte au premier ordre l'influence de la su­perposition des raies de O2 : les collisions transfèrent de l'intensité d'une raie à l'autre. Les coefficients d'interférence d (positifs ou négatifs) sont reliés aux éléments d'une matrice de relaxation de taille 2l par 2l, où l est le nombre de raies concernées (une trentaine). A partir de mesures de dispersion faites par l'équipe de Liebe, la matrice est déterminée en inversant un système d'équations ("mal conditionné" et avec erreurs de mesure) [Rosenkranz, 1988]. Le facteur entre crochets de l'expression (14) devient alors :

 

 

                                                            (15)

 

 

On arrive alors à une forme de raie qui, isolément, peut être négative dans certaines cir­constances ; plus précisément, pour les basses fréquences si d > g / nr, et pour les hautes fré­quences si d < –g / nr. On pourrait penser qu'en sommant les contributions de toutes les raies, le coefficient d'absorption total serait positif, cela à toutes les fréquences et pour toutes les conditions de température et de pression. En fait dans certains cas la sommation reste néga­tive, bien que la situation semble s'améliorer entre les versions successives du modèle de Liebe (voir le récapitulatif tableau B plus loin)1. Heureusement que la correction empirique est là pour fournir une épaisseur optique finale toujours positive. Cette compensation ne saurait être satisfaisante car en toute rigueur elle n'est adéquate qu'à une température : la dépendance en température de la fréquence pour laquelle la forme de raie devient négative, et celle de la correction empirique (que nous allons voir) sont différentes.

Hill [1987] propose alors, soit de ne plus considérer les ailes de raies dans la sommation et d'ajuster le continuum empirique, soit, en particulier pour la raie à 118 GHz, de modifier le coefficient d'interférence de telle sorte que le coefficient d'absorption de la raie isolée tende vers 0 lorsque la fréquence tend vers l'infini. La figure 3 montre cette raie calculée à partir des formules de Liebe 1985 et 1989, pour une température de 300 K et une pression de 1000 hPa. Le coefficient d'interférence d passe de –0,44 kPa–1 en 1985 à –0,247 en 1989, ce qui n'est pas suffisant par rapport à la proposition de Hill à –0,134 kPa–1 ; d = 0 correspond à l'expression traditionnelle de Van Vleck & Weisskopf.

 

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Figure 3 : raie à 118 GHz.

 

 

En ce qui concerne STRANSAC et notre programme, la forme de raie choisie est sans doute fondamentalement la même que celle de l'AFGL [Clough et al., 1981], mais avec les coefficients de Rosenkranz/Liebe en plus. L'expression très précise du produit Sf est 2 :

 

 

 

                 

 

                                          (16)

 

 

 

Les notations sont les mêmes que précédemment ; le facteur hc/k a été omis à l'intérieur de toutes les exponentielles. d est non nul pour 38 [1989] ou 42 [1985] raies d'oxygène ré­pertoriées par Liebe. Il y a dans STRANSAC une petite correction que nous avons reprise : tous les d sont annulés pour les plus hautes couches (pression inférieure à 20 hPa).

C'est S(T0) qui est programmé dans GEISA. Si ce S(T0) vaut le S de l'expression (11) multiplié par wr, on retrouve très exactement (sauf les coefficients d'interférence) la formula­tion complète de Clough et al. [1981].

 

 

(Notes de bas de page)

1 : Nous nous sommes posés beaucoup de questions au sujet de ces absorptions négatives, avant de lire l'article de Hill [1987] : Liebe ne fait pas du tout état de ce problème dans ses articles...

2 : Avec deux petites réserves. Concernant la forme de raie, pour les plus hautes couches : il y a éventuellement une forme de Voigt pour STRANSAC, que nous n'utilisons pas dans notre programme. D'autre part, dans STRANSAC uniquement, pour des calculs non monochromatiques, et par souci d'économie de temps de calcul, les w des deux exponentielles du troisième facteur du second membre de (16) sont remplacés par la fréquence centrale du canal considéré.

 

 

 

 

 

 

3. CORRECTIONS EMPIRIQUES DE TYPE CONTINUUM

3.a. Continuum air sec

Aux contributions résonnantes que nous venons de présenter, il faut ajouter une petite contribution due au spectre non résonnant de O2, sensible à moins de 10 GHz, et au spectre N2 relatif à la pression (pressure-induced N2 spectrum), influent au-delà de 100 GHz [Liebe, 1985]. Ces corrections sont semi-empiriques. La formule programmée dans STRANSAC et que nous avons reprise est presque identique à celle proposée par Liebe en 19851. Sa version de 1989 est bien différente : à 150 GHz, dans les conditions atmosphé­riques du niveau du sol de l'atmosphère U.S.Standard, l'atténuation due à ce continuum passe de 0,008 à 0,014 dB/km entre 1985 et 1989. Cependant, comparés aux valeurs du continuum H2O, ces chiffres sont négligeables.

 

 

 

3.b. Continuum H2O

Quels que soient les modèles de raies utilisés, il reste toujours une grande différence entre les valeurs mesurées et calculées de l'atténuation due à la vapeur d'eau [entre autres : Liebe, 1980 ; Waters, 1976 ; Rice & Ade, 1979]. Cet excès variant peu avec la fréquence, il est souvent appelé continuum. Il est important dans les canaux fenêtres : plus des deux tiers de la contribution de la vapeur d'eau à l'atténuation est décrite par ce continuum.

 

Tentatives d'explication théorique

Généralement les modèles de transfert radiatif dans les micro-ondes ne prennent pas en compte toutes les raies infrarouges, dont certaines sont très intenses. On a cherché à sommer les contributions des ailes de raies jusqu'à 1 000 000 GHz, presque sans résultat (Threshold et al., 1982).

On a supposé que les molécules d'eau pouvaient se regrouper pour former des poly­mères, et d'abord des dimères (H2O)2. Bohlander et al. [1980] en décrivent la structure et cal­culent l'absorption théorique qu'ils engendrent ; la comparaison avec les données expéri­mentales n'est pas favorable. D'autre part, Rice & Ade [1979] ont montré que certaines me­sures interférométriques qui laissaient conclure à une influence de ces dimères étaient enta­chées d'erreurs instrumentales, sources d'ailleurs de beaucoup d'autres fausses interprétations selon eux.

On a aussi invoqué la condensation de la vapeur d'eau sur des aérosols, mais il faudrait produire une quantité d'eau liquide aussi importante que celle présente dans les nuages ou le brouillard.

Enfin d'après Gebbie [1984], beaucoup de choses sont explicables par l'influence d'espèces métastables : des espèces moléculaires autres que monomères et dimères stables, créées par l'intervention de sources d'énergie additionnelles, difficiles à identifier et qui peu­vent provenir des conditions-mêmes des expériences...

Comme le dit Liebe [1989], découvrir la vraie nature du continuum reste un "serious challenge".

 

Corrections empiriques proposées

La correction proposée en 1971 par Gaut et Reifenstein, à partir de comparaisons des valeurs mesurées et calculées du coefficient d'absorption, est citée sous des formes diverses par Burch & Gryvnak [1980], Waters [1976], Rice & Ade [1979] ou Ulaby [1981] :

 

 

                                       (17)

 

rv : densité de vapeur d'eau, g/m3

T : température, K

P : pression, hPa

n : fréquence, GHz

 

 

A la suite de leurs mesures interférométriques de l'opacité atmosphérique, Rice & Ade [1979] jugent cette correction adéquate jusqu'à 200 GHz, mais trop forte au-dessus. Ils propo­sent alors une correction dont la dépendance en fréquence est en n 1,22 au lieu de n 2.

A partir de données expérimentales obtenues en laboratoire vers 140 GHz, Liebe fournit sa propre formule, qui a évolué entre 1985 et 1989, en particulier en ce qui concerne l'exposant du terme traduisant la dépendance en température. C'est sa formule de 1985 qui fi­gure dans STRANSAC et dans notre programme2. Pour les conditions précédentes (U.S.Standard, 150 GHz), la formule de 1985 de Liebe fournit une atténuation égale à 0,686 dB/km, alors que celle de 1989 donne 0,565 dB/km ; avec Gaut et Reifenstein, on au­rait 0,693 dB/km.

Dans un article très dense et complet, Danese et Partridge [1989] comparent les modèles avec leurs mesures d'opacité de l'atmosphère depuis des sites d'observation astronomique de haute altitude, à des fréquences de 2,5 à 10 GHz, 33 GHz et 90 GHz. Ils constatent qu'aucun modèle ne rend compte exactement des valeurs observées, le meilleur continuum restant ce­pendant celui de Liebe. De plus aucun changement dans l'expression du continuum ne permet de retrouver les valeurs observées à toutes les fréquences. En revanche, ils suggèrent un ac­croissement de l'intensité des raies données par Liebe : avec + 20 % pour la raie à 22 GHz et + 15 % pour le groupe vers 60 GHz, ils obtiennent un modèle bien en accord avec toutes leurs mesures.

Revenons au continuum. En toute rigueur, chaque correction n'est valable que pour un ensemble donné de raies considérées et pour une forme associée donnée, ce qui peut expli­quer, avec les améliorations dans les mesures, la différence sensible entre les versions 1985 et 1989 de Liebe. Nous avons vu, sur la figure 3, que l'on peut obtenir des choses bien diffé­rente suivant les choix dans la forme de raie. Cela pose un grave problème pour nous qui pre­nons en compte beaucoup plus de raies que Liebe, des données spectroscopiques différentes pour ces raies et un facteur de forme pas tout à fait identique. Mais sachant que l'on ne peut pas ne pas prendre en compte le continuum, comment faire autrement ? En fait l'alternative est : utiliser la puissance et la préci­sion de la banque GEISA et ajouter un continuum inadapté, ou s'en remettre complètement aux formules de Liebe.

 

 

(Notes de bas de page)

1 : Les seules différences sont l'exposant accompagnant la température pour le terme contenant le paramètre ap (2,5 pour Liebe, 0,5 dans STRANSAC), et la suppression de la dépendance en fréquence du même ap.

2 : avec deux différences : pour STRANSAC et nous, les exposants de 300/T sont 2,4 et 3,1 au lieu de 3 et 2,5. Avec les conditions de température et de pression précédentes, l'écart dans les atténuations calculées est de l'ordre du centième de dB par km.

 

 

 

 

 

4. SIMULATIONS ET TESTS DE SENSIBILITE

Voici les résultats de quelques calculs d'atténuation atmosphérique et de température de brillance. Beaucoup d'entre eux concernent la fréquence 50,3 GHz, qui est la fréquence cen­trale du canal MSU-1 ou AMSU-3, connu comme étant un canal "à problèmes" vis-à-vis des modèles de transfert radiatif. Sauf précision contraire, l'atmosphère utilisée est l'U.S. Standard, les coefficients d'interférence sont ceux de Liebe 1985 ou 1989. Pour les tempéra­tures de brillance, les données simulées d'observation sont les suivantes : visée au na­dir de­puis le haut de l'atmosphère et, pour le rayonnement descendant, réflexion spéculaire (voir chapitre suivant), sur la mer, avec le facteur de réflexion donné par la formule proposée par ITRA (Intercomparison of Transmittance and Radiance Algorithms) [Chédin et al., 1988 (b)], formule indépendante de la polarisation :

 

 

                          R  =  0,638 – 0,0272 n                                                 (18)

 

n : fréquence, GHz.

 

 

 

Pour une réflexion sur la terre, le facteur de réflexion ITRA est 0,05.

Une remarque importante doit être faite. Jusqu'à présent, il n'a jamais été question de polarisation : le rayonnement atmosphérique (et le rayonnement cosmique à 3 K) n'est pas polarisé ; il en est donc ainsi pour toutes les températures de brillance données dans ce cha­pitre. Ce sera la surface (chapitre D) qui introduira la différence entre les deux polarisations. Néanmoins les formules ITRA sont indépendantes de la polarisation.

 

La figure 4 montre le facteur de transmission de l'atmosphère, entre 5 et 200 GHz, pour les trois atmosphères de référence (coefficients d'interférence : version Liebe 1985).

 

 

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Figure 4 : facteur de transmission de trois modèles d'atmosphère.

 

 

 

4.a. Influence du nombre de raies prises en compte

Dans la version standard de notre programme, sont considérées toutes les raies d'oxygène et de vapeur d'eau présentes dans GEISA et dont la fréquence centrale est com­prise entre 0 et 1784 GHz (59,5 cm–1), soit au total environ 1000 raies. Les raies de l'ozone (1200 autres) n'ont pas été prises en compte (Warner [1985] fait mention de différences de quelques centièmes de degré au maximum, entre les valeurs de températures de brillance calcu­lées avec et sans la contribution de l'ozone).

 

Nous avons repris deux limitations présentes dans STRANSAC.

 

– Les raies trop faibles ne sont pas prises en compte : la limite sur l'intensité S is­sue de GEISA est 0,68 10–30 et 0,4 10–25 cm par molécule, pour O2 et H2O respectivement. A 50,3 GHz, ajouter les contributions de ces raies ferait passer l'atténuation de 1,622 dB à 1,635 dB et la température de 209,41 K à 209,76 K (version 1985 des coefficients d'interférence).

 

– Les raies trop éloignées de la fréquence de sondage ne sont pas prises en compte non plus. La limite est définie par l'utilisateur : sommation des ailes de raie jusqu'à une distance en fréquence égale à N (notation STRANSAC : NALIMC) fois la demi-largeur à mi-hauteur. La version standard prend N = 1500 :

 

                       N = ∞       :      Att. = 1,622 dB       T = 209,41 K

                              1500  :                 1,622                   209,41

                                900  :                 1,621                   209,40

                                500  :                 1,614                   209,20

                                100  :                 1,564                   208,01

                                  50  :                 1,499                   207,03

                                  20  :                 0,996                   195,38

 

En fait les différences sont surtout sensibles pour les couches les plus hautes de l'atmosphère, sensibilité qui n'est pas visible dans ces chiffres où l'absorption plus près du sol joue le rôle majeur.

 

Avec N = 1500, les contributions de 291 raies sont effectivement sommées.

 

 

 

4.b. Divers

Tous les calculs sont menés en simple précision. Un passage en double précision ne changerait pas la quatrième décimale de l'atténuation.

Nous avons comparé les forces de raie entre GEISA et Liebe [1985]. Pour éliminer l'influence de la forme de raie, des définitions floues de S et du continuum, il faut calculer l'atténuation au centre de la raie, due à la raie uniquement. Voici quelques différences typiques de GEISA par rapport à Liebe, pour des atténuations exprimées en dB/km (T = 300 K, P = 1000 hPa, air sec) ; on reste inférieur aux augmentations prônées par Danese & Partridge [1989] (voir plus haut) :

        51,5 GHz : – 11 %

        58,32 GHz : + 1 %

        60,3 GHz : + 8 %

        118,75 GHz : + 10 %

 

Faire passer s (exposant de la température pour la largeur de raie, (13)) de 0,8 à 0,5 amène l'atténuation à 1,5266 dB et la température à 207,26 K : la différence avec la version standard (1,622 et 209,41) n'est pas négligeable.

Annuler le terme e ((13)) fait passer l'atténuation à 1,612 dB et la température à 209,11 K : la différence est légère.

 

 

 

4.c. Influence des coefficients d'interférence

Le tableau B donne les atténuations et températures de brillance pour les fréquences centrales des canaux Météosat (1 à 10). Les raies à 118 et 183 GHz étant symétriques pas trop loin de leur centre, ne figure que la fréquence centrale d'une des deux bandes latérales des ca­naux double-bande : + pour la bande supérieure, – pour la bande inférieure. Nous avons ajouté les fréquences des deux raies essentielles, et les fréquences fenêtres 166, 89 et 50,3 GHz. Ce tableau permet de réaliser l'ampleur de l'évolution des coefficients d'interférence proposés par Liebe, entre 1985, 1987 (pas d'article, mais un logiciel offert au LMD) et 1989.

Dans ce tableau, sont signalées par un astérisque les fréquences pour lesquelles l'épaisseur optique due aux raies est négative pour au moins une couche (plus souvent plu­sieurs couches en 1985). A 110 GHz, l'épaisseur optique globale, après ajout du continuum, est même négative pour une des couches. Les couches concernées sont généralement vers le haut de l'atmosphère, à des pressions supérieures à celles pour lesquelles les coefficients d'interférence ont été arbitrairement annulés (voir la fin de la section 2). D'ailleurs, si cette an­nulation n'est pas imposée, le changement global est faible : 1,6218 dB au lieu de 1,6223 dB et 209,40 au lieu de 209,41 K pour 50,3 GHz ; les épaisseurs optiques dans les hautes couches concernées par cette annulation varient toutefois énormément.

Ce comportement non physique n'est pas provoqué uniquement par les différences dans l'intensité ou la forme de raie que notre programme présente par rapport à celui de Liebe : L. Phalippou (à Alcatel Espace, Toulouse), qui utilise la formulation exacte de Liebe, confirme l'apparition d'opacités négatives pour certaines fréquences et certaines couches. D'après Liebe lui-même (communication personnelle, déc. 1988), ce problème devait dispa­raître avec sa ver­sion de 1989 : les astérisques de la troisième colonne du tableau B infirment cette amélio­ration, en ce qui nous concerne.

Ces contributions négatives sont quelquefois importantes. Par exemple si l'on écarte dans la sommation, pour chaque couche, toute raie qui aurait apporté une contribution néga­tive, l'atténuation totale peut changer grandement : à 50,3 GHz par exemple, et sur les valeurs de Liebe 1985, l'atténuation passe de 1,6 à 3,5 dB et la température de 209 à 239 K ! Si l'on impose la nullité des coefficients d'interférence pour toutes les couches (se ramenant alors à une forme de Van Vleck-Weisskopf classique), la différence est toujours forte : 2,7 dB et 231 K ; mais on se rapproche alors beaucoup des valeurs de 1989. Les différences relevées par Warner [1985] et l'AFGL [Chédin et al., 1988 (b)] pour cette fréquence de 50,3 GHz sont du même ordre de grandeur.

A partir de maintenant, sauf précision contraire, les simulations empruntent les coeffi­cients d'interférence version 1989.

 

 

 

4.d. Températures de brillance pour les canaux de Météosat

Influence du nombre de points de calcul pour des canaux à bande "large"

Pour le calcul des températures de brillance d'un canal non monochromatique, il faut intégrer les contributions de "toutes" les fréquences du canal. L'intégration que nous avons choisie est une simple méthode des trapèzes, avec répartition régulière des points de calcul dans la ou les bandes du canal. Le nombre de points à considérer dépend de la linéarité de la variation de l'absorption pour les fréquences du canal. Pour le canal 3– par exemple, 10 points suffisent largement : l'erreur résiduelle sur la température de brillance est de l'ordre du cen­tième de kelvin. Considérer seulement 1 ou 2 points amène une erreur de près de 1 K, et 3 points 0,2 K. En revanche, pour le canal 6, un seul point suffit : l'erreur résiduelle est infé­rieure à 0,03 K. Pour les simulations présentées ici, nous avons pris 10 points pour chaque bande de tous les canaux.

 

                                                      1985                     1987                    1989

 

 

   50,3 GHz                             1,622 dB              1,339 dB              2,761 dB

MSU-1 = AMSU-3            209,41 K              201,09 K             231,62 K

 

   89                                        0,796                    1,057                   1,445

AMSU-16                           206,3                    213,78                 221,90

 

110                                        1,285*                  1,456*                 1,64*

Met. 6                                 229,14                  232,46                 234,83

 

118,75                               136,724                136,908               137,094

                                           239,3                    239,3                   239,3

 

119,08                                 28,736                  29,049                 29,386

Met. 1+                               219,63                  219,6                   219,54

 

118,1                                   17,766                  17,804                 17,816

Met. 2–                               228,31                  228,41                 228,42

 

120,05                                   8,55                      8,871                   9,219

Met. 3+                               247,90                  247,55                 246,81

 

116,75                                   5,167                    5,25                     5,315

Met. 4–                               253,86                  254,21                 254,02

 

122,65                                   2,385                    2,636                   2,896

Met. 5+                               247,83                  249,95                 251,15

 

150                                        2,012*                  2,187*                 2,34

Met. 7                                 256,56                  257,82                 258,18

 

166                                        3,268*                  3,435*                 3,571*

                                           268,36                  268,61                 268,23

 

183,31                                 82,917                  83,077                 83,203

                                           238,29                  238,25                 238,09

 

184,31                                 67,929                  68,088                 68,213*

Met. 8+                               244,26                  244,18                 243,93

 

180,31                                 29,594*                29,756                 29,883*

Met. 9–                               258,11                  257,92                 257,45

 

190,31                                 10,973*                11,132*               11,254*

Met. 10+                             270,02                  269,68                 268,99

 

 

Tableau B : atténuations et températures de brillance

(monochromatiques, U.S. Standard, "ITRA" mer, visée au nadir).

 

Comparaison pour les trois atmosphères

Le tableau C présente les températures de brillance des canaux 1 à 10 dans leur défini­tion de Ravenne. La visée est faite au nadir, et la réflexion sur la surface est supposée spécu­laire, le facteur de réflexion étant ce­lui défini pour ITRA [Chédin et al., 1988 (b)]. La tempé­rature du sol est égale à la température du plus bas niveau du modèle concerné, sauf pour l'atmosphère subarctique sur la mer pour laquelle la température est choisie égale à 273 K.

 

                                  U.S.Standard             Subarctique                Tropical

                                   mer       terre            mer       terre             mer       terre

 

        1                      219,44   219,44        216,51    216,50        210,35    210,35

        2                      228,30   228,40        222,28    222,16        228,18    228,23

        3                      246,75   248,55        234,84    234,80        256,02    256,75

        4                      254,02   261,10        239,36    242,52        269,10    271,68

        5                      249,16   271,45        229,19    247,17        276,60    284,01

        6                      234,84   274,35        210,49    247,09        273,28    288,28

        7                      258,18   276,04        228,87    247,73        286,14    288,50

        8                      244,03   244,03        238,14    238,07        251,26    251,26

        9                      257,08   257,08        249,53    248,55        265,85    265,85

      10                      269,41   269,71        253,08    251,55        277,77    277,77

 

 

Tableau C : températures de brillance pour les canaux Météosat.

 

On remarque que les températures des canaux les plus opaques sont les mêmes pour la terre et la mer ; Les canaux 8 à 10 sont plus opaques pour l'atmosphère tropicale, qui contient plus de vapeur d'eau. Les températures des canaux plus transparents sont supérieures pour la terre par rapport à la mer (réflexion moindre des températures descendantes, plus basses que celle du sol), sauf parfois pour l'atmosphère subarctique à cause de la différence dans la tem­pérature de surface.

En ce qui concerne les canaux 8 à 10 (canaux communs à AMSU-B), ces températures sont semblables à celles présentées par Warner [1985] et par les différents groupes de la cam­pagne de comparaison ITRA [Chédin et al., 1988 (b)]1. Dans la moitié des cas, nos tempéra­tures se si­tuent à l'intérieur de la gamme des températures proposées ; dans tous les autres cas la diffé­rence avec les valeurs les plus proches est inférieure à 1,5 K, sauf pour le canal 8 en subarc­tique pour lequel notre température est 3 K en-dessous de la plus basse température avancée. Les écarts sont dus à des paramètres spectroscopiques différents, à une interpolation différente des profils atmosphériques. Il y a aussi et surtout la différence dans la largeur de bande des canaux 8 et 9 de Météosat par rapport aux canaux 18 et 19 d'AMSU-B : la diffé­rence de 3 K précédemment mentionnée est ramenée à 1 K pour les simulations monochroma­tiques.

 

Fonctions de poids

La figure 5 montre les fonctions de poids des fréquences centrales des 6 premiers ca­naux (la bande supérieure pour les canaux 1 à 5), "normalisées" pour que le maximum de chaque fonction soit égal à 1. Les maxima des canaux 1 à 4 sont assez bien répartis entre 0 et 20000 m d'altitude (pour un angle de visée de 50°, soit pour la zone européenne).

 

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Figure 5 : fonctions de poids (coefficients d'interférence de 1985).

 

La figure 6 montre le cas d'une visée sur la mer (émissivité ≈ 0,5 et prise en compte de la température de brillance descendante), avec des unités relatives à la pression (fonctions non normalisées).

 

 

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Figure 6 : fonctions de poids (coefficients de 1989).

 

Enfin sur la figure 7, relative à une visée au nadir pour une atmosphère tropicale, on re­marque que les canaux 4 et 5 sont redondants et que l'atmosphère est très mal échantillon­née. Le petit "décrochage" vers 5500 m pour les canaux 3 à 6 s'explique par l'irrégularité du profil de vapeur d'eau vers cette altitude (voir le tableau II.A.-A).

 

Les fonctions de poids sont élargies et se recouvrent les unes les autres lorsque l'on considère toute la largeur des canaux. Voir à ce sujet la figure p. 103 de la thèse de C. Prigent-Benoit [1988].

 

Signalons enfin qu'on peut définir aussi une fonction de poids pour la vapeur d'eau, et cela de deux manières différentes : voir encore Prigent-Benoit [1988, pp. 104-105] et Ulaby et al. [1986, pp. 1391-1399].

 

 

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Figure 7 : fonctions de poids.

 

 

(Note de bas de page)

1 : Les laboratoires concernés sont : AFGL, Clarendon Lab. Oxford, LMD, MIT, NOAA et Univ. Berne.

 

 

 

 

 

 

Ce chapitre un peu lourd a montré les problèmes posés par la modélisation du transfert radiatif dans des atmosphères claires. Les représentations adéquates de l'excès d'absorption en vapeur d'eau et du recouvrement des raies de l'oxygène ne sont pas encore là. Il sera vrai­ment intéressant de comparer les résultats de notre modèle avec les campagnes de mesure du type MARSS.

A ce propos, Gasiewski [1988] a comparé les températures de brillance vers 118 GHz observées avec le sondeur du MIT et calculées, à partir de données de radiosondage, par son modèle fondé sur la formulation de Liebe. Il constate que les températures calculées sont tou­jours en excès de 1 à 5 K, suivant les canaux et la saison, sur les températures mesurées. Se­lon lui aucune erreur expérimentale ne peut expliquer ces différences. Il reste alors les er­reurs de modélisation spectroscopiques. En fait, pour lui, la seule façon d'accorder les me­sures et les calculs consiste à admettre une forte dépendance de l'intensité des raies avec l'altitude, et en particulier à augmenter l'intensité de la raie à 118 GHz de 15 % aux hautes al­titudes ; cette remarque corrobore les conclusions de Danese et Partridge [1989] dont nous avons parlé pré­cédemment. C'est l'observation à bord d'un avion, vers le haut et plus seulement vers le bas, qui permettra peut-être de résoudre cette question. En effet, si l'hypothèse de Gasiewski est correcte, une visée vers le haut devrait renverser l'écart mesuré jusqu'à présent en fournissant des températures en excès sur les températures calculées. D'où l'intérêt des vols prévus pour MARSS et au-delà.

 

 

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